Un voyage d’un an, l’expérience d’une vie


« Istanbul ce n’est pas la Turquie, mais ce l’est aussi entièrement. » Bora Egemen, réalisateur turc et professeur de Storytelling à l’Université de Bahçesehir ne cessait pas de nous le répéter. Je n’ai compris cette phrase qu’après plusieurs mois passés dans la mégalopole turque. Istanbul n’est qu’un recueil d’antithèses. Elle effraie par sa taille. Par ses bruits de voitures, bateaux et autres monstres mécaniques. Eux mêmes rythmés par des vendeurs de rue criant les qualités de leurs produits, ou encore des imams appelant les fidèles à la prière plusieurs fois par jour. Elle effraie par la densité de ses rues, rendant impossible l’édition de cartes précises. Des millions de personnes se croisant chaque jours sur Istiklal, le grand boulevard de la ville. Mais quoi de plus beau qu’un couché de soleil sur le Bosphore. Des hauteurs de la ville, on peut y admirer le chemin des ferrys véhiculant les stambouliotes et autres gens de passage entre l’Europe et l’Asie. On y voit aussi deux ponts, modernes et illuminés, qui contrastent avec les historiques mosquées du quartier de Sultanahmet. Il est beau aussi de voir se rejoindre le monde, sans préjugés, pour déguster un café turc tout en jouant au traditionnel Tavla. D’entendre ces mêmes personnes le soir, partager un poisson et boire du Yeni Raki sur le pont de Galata.

 

Istanbul a vu sa population augmenter de manière exponentielle entre 1970, année où elle ne comptait qu’un million d’habitant, et aujourd’hui où près de 20 millions de personnes y coexistent. Cette croissance en a fait un capharnaüm qui n’a d’égal que les villes surpeuplées comme Rio de Janeiro ou Bombay. Toutefois chacun y a sa place. Des personnes tirant de gros chariots pleins de plastique ou de carton à Kadiköy, d’autres cuisinant un menemen de qualité au café Faruk de la rue Sair Veysi. Ainsi que le policier en faction devant le palais de Dolmabahçe. Tous ces gens œuvrent à la calme et bien vivante organisation d’Istanbul. Làbas, on y travaille pour le bien de tous avant de penser à son propre confort. Cet esprit collaboratif crée une ambiance sereine et apaisante pour quiconque s’y aventure. On s’y sent humain, et fort de ce sentiment, protégé.

 

La modernité et culture européenne y ont elles aussi trouvé leur place. Elles ont fait d’Istanbul une ville cosmopolite. On y voit de tout. Des groupes de jeunes américains venus découvrir les joies illimitées des rues sans fins de Taksim, où ils pourront se prélasser ou danser dans un des milliers lieux branchés du quartier. Un couple d’iraniens, se promenant sans craintes sur les quais d’Ortaköy, entourés des yachts dernier cri de chez Feadship. Bien sur quelques chinois, armés du dernier Reflex de chez Canon, ne manqueront pas d’éterniser les images des bijoux de la ville. Un français, puis un allemand, buvant un thé au creux d’une ruelle de Besiktas.

 

Toutes ces personnes sont arrivées sans se douter de rien, avec des rêves, des projets ou simplement une envie de voyager. Et elles repartiront le cœur serré, laissant derrière elles une partie de leur être. Il y a ce pouvoir envoûtant qui s’exerce sans relâche à Istanbul. Il en est la raison d’être.

 

Simon